Quand un soldat
(Francis Lemarque, 1952)
Fleur au fusil tambour battant il va
Il a vingt ans un coeur d’amant qui bat
Un adjudant pour surveiller ses pas
Et son barda contre son flanc qui bat
Quand un soldat s’en va t-en guerre il a
Dans sa musette son baton d’maréchal
Quand un soldat revient de guerre il a
Dans sa musette un peu de linge sale
Partir pour mourir un peu
A la guerre à la guerre
C’est un drôle de petit jeu
Qui n’va guère aux amoureux
Pourtant c’est presque toujours
Quand revient l’été qu’il faut s’en aller
Le ciel regarde partir ceux qui vont mourir
Au pas cadencé
Des hommes il en faut toujours
Car la guerre car la guerre
Se fout des serments d’amour
Elle n’aime que l’son du tambour
Quand un soldat s’en va-t-en guerre il a
Des tas d’chansons et des fleurs sous ses pas
Quand un soldat revient de guerre il a
Simplement eu d’la veine et puis voilà
Simplement eu d’la veine et puis voilà
Simplement eu d’la veine et puis voilà
La chanson, contrairement à La chanson de Craonne, est moins irrévérencieuse, notamment envers les notables et la bourgeoisie en place. En revanche, elle tente de porter atteinte sournoisement au pouvoir en place en 1953 et clame clairement son rejet de la politique mobilisatrice d’effort de guerre prônée par le gouvernement en place pour défendre les colonies françaises.
Le choix des mots du texte, dans ses vers, traduit le ton désabusé de la libre pensée populaire de l’époque : une guerre inutile et perdue d’avance.
Les paroles résument bien le ressenti général de la population française, qui après 1945, croyait en avoir terminé avec la guerre. L’image du fier guerrier qui peut espérer finir décoré et monter en grade pour faits d’armes, souvent à titre posthume, y est battue en brèche et taillée en croupières.
La dernière strophe sous-entend que la guerre rend triste, qu’elle ne vaut pas l’amour de ses proches, les chansons et les fleurs.
La chanson conclut sur l’amer constat que celui qui revient, a « simplement eu d’la veine ». C’est un désaveu des politiques militaires, des stratégies de commandement et d’engagement des forces armées françaises, de leur commandement, de leur ministère et du choix du président de la République. Le soldat engagé au combat n’a ici qu’à s’en remettre à sa bonne étoile et ce ne sont pas des décisions militaires qui changeront quelque chose.
L’expression « simplement eu d’la veine » est importante, elle est issue du langage populaire ; Francis Lemarque, en l’insérant dans ses paroles, l’oppose de fait au devoir national qui est de « verser son sang pour la patrie». La veine symboliserait aussi le retour du sang au cœur.
Les paroles sont par conséquent jugées défaitistes et anti-militaristes.
La censure intervient en 1953 à un moment où l’armée française très engagée sur la guerre d’Indochine est dans une mauvaise passe face à la guérilla livrée par les populations locales contre les forces françaises, qui connaissent des problèmes en hommes et en moyens. Ces faits seront suivis de la défaite de la France en 1954.
Deux titres sont particulièrement visés à cette époque : Quand un soldat et Le Déserteur de Boris Vian sorti en 1954.
Sources :
- https://www.universalmusic.fr/artiste/35-francis-lemarque/bio#contentPart
- http://www.chambre-claire.com/PAROLES/quand-un-soldat.htm
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Quand_un_soldat
Julien vous en propose un arrangement.